Les développements des centres de données et du calcul à haute performance (voir par exemple ici, ou encore , ou plus récemment la problématique des dispositifs blockchain développés pour le bitcoin qui présentent un intérêt pour les banques et les administrations et l’Union européenne), requièrent des consommations électriques toujours plus importantes pour satisfaire les besoins actuels et futurs et posent des défis écologiques, énergétiques et économiques.

Plusieurs solutions technologiques, issues de recherches menées durant les 30 dernières années, sont en train d’émerger pour rentrer en phase de pré-industrialisation, notamment aux Etats-Unis, en Chine et au Japon.

Face à ces enjeux l’Europe se mobilise, tout d’abord en restant sur des solutions conventionnelles et en améliorant les performances énergétiques des microprocesseurs développés par la société américaine INTEL et les algorithmes associés. Cela va permettre de développer des machines plus puissantes, comprenant un plus grand nombre de cœurs de calcul mais consommant toujours plus d’énergie malgré une meilleure efficacité énergétique.

Une autre alternative, également soutenue par l’Europe, repose sur le développement du calcul quantique qui permet en théorie d’offrir une puissance de calcul incomparable pour résoudre certains problèmes. A ce jour les ordinateurs quantiques n’existent pas encore, mais les premiers résultats sont encourageants. Cette technologie, développée aux Etats-Unis par des industriels comme Microsoft et Google ou au Canada par la société D-wave, nécessite l’utilisation de très basses températures inférieures à 100 mK ( environ -273,3°C) et la fabrication des circuits dans des fonderies industrielles adaptées, implantées en Amérique du Nord.

Ces solutions sont basées sur l’utilisation de métaux supraconducteurs qui, lorsque refroidis en dessous d’une certaine température appelée température critique, conduisent non seulement  l’électricité sans dissipation d’énergie mais ne laissent pénétrer le champ magnétique que par quanta de flux. Dans ce cas les composants permettant de faire les calculs numériques ne sont pas des transistors, qui n’existent pas en technologie supraconductrice, mais des jonctions Josephson.

Ces technologies de rupture, comme le furent en leur temps celles liées au développement de la voiture automobile lorsque l’on se déplaçait à pied ou à cheval, ou encore celle de l’électricité à l’époque de la bougie, nécessitent une remise en cause de certains paradigmes et la mise en place d’une infrastructure permettant à terme de dépasser les limites actuelles. (Pour en savoir plus.)

Les premiers microprocesseurs utilisant des jonctions Josephson supraconductrices ont été effectivement réalisés au Japon dans un consortium réunissant en particulier l’AIST (National Institute of Advanced Industrial Science and Technology) et les Universités de Nagoya et de Yokohama. Ces premiers microprocesseurs, dont la fréquence d’horloge peut atteindre 100 GHz pour une consommation électrique négligeable, peuvent aussi être utilisés comme interface entre des ordinateurs traditionnels à base de transistors et des systèmes de calcul quantique à base de qu-bits (des bits quantiques) qui utilisent également la même technologie à base de jonctions Josephson. De leur côté les Etats-Unis développent également leurs solutions basées sur la fonderie du MIT-Lincoln Laboratory , soutenues par le projet C3 et le projet SuperTools. La Chine a de son côté également lancé un important programme national.

Les applications de machines supraconductrices sont nombreuses : centres de données à faible empreinte environnementale, super-calculateurs pour la science fondamentale, stations sol ou embarquées pour les télécommunications 5G et spatiales, médecine (dont l’étude du cerveau), changements climatiques, météorologie plus précise et sur une période de prédiction plus longue, interfaces cryogéniques des futures machines de calcul quantique, traitement de données des imageurs et interféromètres pour la radioastronomie, pour n’en citer que quelques unes.

Contrairement aux Etats-Unis où ces développements sont largement pris à leur charge par des grandes entreprises, ou en Chine ou au Japon où des projets structurés sont coordonnés au niveau national, les développements en Europe sont effectués à ce jour principalement dans des centres de recherche et des Universités. Une fonderie, la fonderie FLUXONICS du réseau européen scientifique éponyme localisée à l’Institut de Technologie Photonique (IPHT) de Iéna  en Allemagne, permet la fabrication de circuits supraconducteurs de faible complexité. Cependant il n’existe pas à l’heure actuelle de fonderie en Europe capable de réaliser des circuits complexes nécessaires pour des supercalculateurs supraconducteurs  ou des ordinateurs quantiques.

Il s’agit donc maintenant de penser les futurs développements industriels qui vont permettre de transférer cette technologie sans équivalent des laboratoires de recherche au domaine industriel. Avec à la clé des défis en termes écologiques et énergétiques (diviser la consommation électrique par 50 à 100 pour une puissance de calcul équivalente), économiques (former et recruter les ingénieurs de demain qui concevront et fabriqueront ces machines), et sociaux (comprendre le cerveau, simuler avec plus de précision les changements climatiques, créer les matériaux de demain).

C’est dans ce cadre qu’est organisé ce colloque international en coordination avec le réseau scientifique européen FLUXONICS, et avec le soutien d’un projet MRSEI de l’Agence Nationale de la Recherche française.